Je n'ai jamais eu de problèmes directs en étant en costume turque. Les plus bêtes réflexions, je les ai reçues à mes débuts en chevalier XIIIè... comme quoi!
Je me suis posée la question de la légitimité, parce que la reconstitution d'un personnage, ce n'est pas seulement le matériel, c'est aussi des manières d'être, et un certain nombre de choses immatérielles. Mais ça ressort de mon travail de comédienne, pas d'une réflexion "ethnique". Ma nature n'est pas méditerranéenne de base. Au contraire, et ça ressort beaucoup sur les photos. Du coup, mon choix géographique m'aide. ^^ Tout ça c'est un travail d'approfondissement global dans le cadre d'une réflexion artistique.
Concernant le racisme plus ou moins dissimulé.
Une fois, j'ai vu une vieille rombière embijoutée faire une grimace en me regardant alors que je passais à côté d'elle. Je l'ai regardée avec un sourire et la plus gênée des deux ce n'était pas moi.
Du coup, je me suis quand même posé des colles. J'ai pris conscience que ce que je faisais n'était pas anodin, et ça m'a plu. L'artiste n'est pas celui qui ronronne, c'est celui qui questionne le monde. Ca vaut aussi pour le spectacle historique! ^^ Pourquoi ça dérange? Pourquoi ne peut-on reconnaître les filiations? Que craint-on? Est-ce perdre de sa propre grandeur que de reconnaître celle de l'Autre?
Je travaille particulièrement sur l'équitation arabe et la fûrusiyya partie équestre, et les conclusions actuelles vont faire grincer des dents
(ou comment déboulonner des statues de leurs piédestaux. Mais comme ce n'est pas le but de ce travail, j'ai bon espoir que le secouage de cocotiers que la présentation va provoquer induise des questionnements bénéfiques pour l'approfondissement de la recherche AMHE. Il y aura toujours des gens imbus incapables de se mettre en perspective (surtout quand ils sont coincés dans leur armure), il ne faut juste pas oublier qu'ils ne sont pas les seuls (la preuve, c'est le nombre de fois où je devrais normalement présenter cette équitation arabe l'année qui vient)). Et déjà les écuyers français qui commandaient en Egypte et en Arabie au XIXè déploraient l'attitude de leur homologues restés en métropole, qui se privaient de l'expertise et de la qualité des cavaliers du désert en leur déniant leur savoir-faire, voire pire en leur imposant des règles inadaptées, et ce malgré des preuves éclatantes de la supériorité des cavaliers arabes en matière de combat de cavalerie, au motif qu'ils ne se tenaient pas à cheval "correctement". Un peu désespérant au premier abord. Mais, grâce à ces plaidoyers enflammés (Daumas, D'Aure, Descoins pour ne citer que ceux-là), cette équitation n'a pas été oubliée chez nous, et nous pouvons reprendre le flambeau pour continuer à promouvoir, donner à voir, étudier, comprendre et donner envie depuis notre côté de la barrière. Donc ça n'a certainement pas été vain. Je me dis, très modestement (normal, je suis une Fieffeuse
): à mon tour! Je vais prêcher dans le désert, mais un souffle de vent arrivera bien à porter la parole suffisamment loin pour qu'un autre la reprenne à son compte.
